Actualités juridique - Juillet 2025
Sommaire :
- Prêts interentreprises
- Cession de fonds de commerce : les points de vigilance
- Réforme des associés de sociétés d’exercice libéral
- Brèves
LES PRETS INTERENTREPRISES
Le prêt interentreprises permet à une société de soutenir financièrement une autre société avec laquelle elle a des liens économiques, en lui accordant un prêt.
L’article L. 511-6, 3 bis, du Code Monétaire et Financier dispose que l’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’applique pas :
« Aux sociétés commerciales dont les comptes du dernier exercice clos ont fait l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes ou qui ont désigné volontairement un commissaire aux comptes dans les conditions définies au II de l’article L. 823-3 du code de commerce et qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de trois ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. L’octroi d’un prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-10 à L. 441-13 du code de commerce. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts ».
LES CRITERES A REMPLIR POUR RECOURIR AU PRET INTERENTREPRISE :
- Les modalités
- La durée du prêt interentreprises : moins de 3 ans
- Le montant du prêt, en principal, est doublement plafonné par l’article R. 511-2-1-2, 3° :
- par une limite globale, le montant de l’ensemble des prêts consentis au cours d’un exercice comptable ne pouvant être supérieur à un plafond égal au plus petit des deux montants suivants :
- 50 % de la trésorerie nette ou 10 % de ce montant calculé sur une base consolidée au niveau du groupe de sociétés auquel appartient l’entreprise prêteuse ;
- 10 millions d’euros, 50 millions d’euros ou 100 millions d’euros pour les prêts accordés respectivement par une petite ou moyenne entreprise, une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise (la classification étant définie par l’article 3 du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008) ;
- par une limite individuelle, le montant de l’ensemble des prêts accordés par une même entreprise à une autre entreprise au cours d’un exercice comptable ne pouvant être supérieur au plus grand des deux montants suivants :
- 5 % du plafond défini au 3° ci-dessus ; ou
- 25 % du plafond défini au 3° ci-dessus, dans la limite de 10.000 euros.
- Enfin, l’octroi du prêt doit respecter un certain formalisme matérialisé par :
- la rédaction d’un contrat de prêt ;
- le respect de la procédure des conventions réglementées ; et
- le commissaire aux comptes est notifié annuellement des contrats de prêts en cours consentis et atteste, dans une déclaration jointe au rapport de gestion, pour chaque contrat, du montant initial et du capital restant dû de ces contrats de prêts ainsi que du respect des dispositions qui les régissent.
- Les conditions pour etre emprunteur
- L’emprunteur est uniquement sujet à une condition de taille et d’effectifs : il peut s’agir d’une microentreprise, d’une petite et moyenne entreprise ou d’une ETI ; les Grandes entreprises sont exclues.
- Les conditions pour être prêteur
- Toutes les sociétés commerciales peuvent être prêteuses au sein du prêt interentreprises
- + 4 autres conditions :
- les comptes du dernier exercice doivent être certifiés par un CAC ;
- l’activité de prêt doit demeurer accessoire à l’activité principale ;
- à la date de clôture de chacun des deux exercices comptables précédant la date d’octroi du prêt, les capitaux propres doivent être supérieurs au montant du capital social et l’excédent brut d’exploitation doit être positif ; et
- la trésorerie nette, définie comme la valeur des actifs financiers courants à moins d’un an, minorée de la valeur des dettes financières courantes à moins d’un an, constatée à la date de clôture de chacun des deux exercices comptables précédant la date d’octroi du prêt doit être positive.
- Les liens économiques entre l’emprunteur et le prêteur
- Cette question des liens économiques est réglée par l’article R. 511-2-1-1 du Code Monétaire et Financier. Les liens économiques sont identifiés :
- par l’appartenance à un même groupement d’intérêt économique
- par l’appartenance à un même projet à l’occasion duquel une subvention publique a été attribuée
- par l’existence d’une relation de sous-traitance (l’emprunteuse endossant le rôle de sous-traitante)
- par l’existence d’une concession par la prêteuse à l’emprunteuse d’une licence d’exploitation de brevet, de marque, d’une franchise ou d’un contrat de location-gérance
- lorsque la prêteuse est cliente importante de l’entreprise emprunteuse ou d’un membre de son groupe
- par l’existence d’un lien indirect, lorsque les parties sont clientes ou fournisseurs importants d’une même entreprise tierce
- Attention, l’octroi du prêt ne peut avoir pour effet de placer l’emprunteuse en état de dépendance économique
Traitement juridique de la cession du fonds de commerce » : points de vigilance
- Définition et éléments transmis
Le fonds de commerce regroupe des actifs corporels (matériel, marchandises) et incorporels (clientèle, bail, marque, etc.). Seuls ces éléments sont transmis à l’acquéreur, sauf clause contraire. Certaines autorisations personnelles ne sont pas transférables.
- Contrats et passif
Les contrats ne sont pas transférés automatiquement ; une clause expresse est nécessaire. Le passif du cédant reste à sa charge sauf engagement clair de l’acquéreur. La preuve du transfert repose sur celui qui l’invoque.
- Transfert de propriété et de jouissance
La date de transfert de propriété est celle fixée par l’acte, même si la jouissance est antérieure. Cette date détermine la réalisation de la plus-value. Elle prévaut sur la date de signature ou d’enregistrement.
- Publicité de la cession
La vente doit être publiée dans un journal d’annonces légales puis au BODACC sous 15 jours chacun. Ce n’est pas une condition de validité, mais elle rend le paiement du prix opposable aux tiers. L’acquéreur est responsable de ces formalités.
- Blocage partiel du prix
Il est rappelé que le prix est partiellement bloqué durant toute la période d’opposition des tiers et de solidarité fiscale.
- Délai lié à la faculté d’opposition des créanciers
Formalités |
Délais |
Publication dans un support d’annonces légales et au BODACC |
Date de la cession + 15 jours |
Article L 141-14 du Code de commerce : former opposition au paiement du prix au domicile élu |
Date de la dernière des publications + 10 jours |
- Délai lié à la solidarité fiscale
Il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article 1684 du Code général des impôts que l’ACQUEREUR d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, peut être rendu responsable avec le VENDEUR du paiement de certains impôts directs, à concurrence de la valeur du fonds et pendant un temps déterminé.
Cette responsabilité contraint, en pratique, l’ACQUEREUR à ne pas verser immédiatement au VENDEUR le prix de vente du fonds afin de réserver ce paiement au Trésor si le comptable des finances publiques lui en fait la demande. La solidarité établie par le premier alinéa de l’article 1684 du Code général des impôts s’applique exclusivement aux impôts directs visés par ce texte : outre les cotisations d’impôt sur le revenu du VENDEUR, l’ACQUEREUR est responsable de l’impôt sur les sociétés et de la taxe d’apprentissage, restant dus par le VENDEUR, conformément au troisième alinéa de cet article, qui étend la solidarité « dans les mêmes conditions en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et la taxe d’apprentissage ».
Formalités |
Délais |
Publication dans un support d’annonces légales et au BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales |
Dans les 15 jours de la cession |
Déclaration de vente à l’administration fiscale (article 201-1 du Code général des impôts) |
Dans les 45 jours de la publication dans le support d’annonces légales |
Déclaration des bénéfices réels accompagnée d’un résumé du compte de résultats à l’administration fiscale (à effectuer par le cabinet comptable). |
Dans les 60 jours de la publication dans le support d’annonces légales Cette notification ouvre une période de 90 jours de solidarité fiscale. |
Nota : La période de solidarité fiscale peut-être réduite de 90 jours à 30 jours si trois conditions cumulatives sont respectées :
L’avis de cession du fonds de commerce a été adressé à l’administration fiscale dans les 45 jours suivant la publication de la vente dans un support d’annonces légales ; La déclaration de résultats a été déposée dans les temps, c’est-à-dire dans les 60 jours suivant la publication de la vente dans un support d’annonces légales ; Au dernier jour du mois qui précède la vente, le vendeur est à jour de ses obligations fiscales déclaratives et de paiement. |
- Obligations du vendeur : garantie des vices cachés
Le vendeur garantit contre les vices cachés rendant le fonds inexploitable ou déprécié. Une clause d’exclusion n’est valable que si le vendeur ignorait le vice. Elle est inopposable entre professionnels de spécialités différentes.
- Transfert des contrats de travail et dettes sociales
Les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés à l’acquéreur. Ce dernier peut exiger le remboursement des dettes antérieures par le cédant, sauf clause contraire. La répartition doit être prévue par contrat.
- Procédure collective
En cas de redressement ou liquidation, l’acquéreur n’est tenu du passif que dans la limite du prix convenu. Il est exonéré du reste, sauf stipulation expresse dans le plan de cession. Le prix peut être payable à terme.
- Conclusion
La cession du fonds exige une vigilance particulière sur les éléments transmis, les contrats, les formalités, les dettes et les garanties. Un accompagnement juridique est indispensable pour sécuriser les parties.
Changement de régime fiscal des associés de SEL
Le changement de régime fiscal des associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) découle d’une réinterprétation par l’administration fiscale (BOFiP du 27 décembre 2023) du régime d’imposition des rémunérations perçues par ces associés, en particulier celles dites « techniques », c’est-à-dire liées à l’exercice de leur profession (avocat, notaire, etc.), par opposition à leur fonction de gérant.
🔹 Origine du changement
Ce changement s’appuie principalement sur :
- 🧾 Une mise à jour du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) :
- L’administration a précisé que les rémunérations techniques perçues par les associés exerçant effectivement leur profession au sein de la société ne relèvent pas de l’article 62 du CGI (traitements et salaires des gérants majoritaires) mais de la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC)
- ⚖️ Une jurisprudence constante du Conseil d’État :
- Le Conseil d’État a rappelé que seules les rémunérations liées aux fonctions de gérance stricto sensu relèvent de l’article 62 du CGI.
- Les rémunérations issues de l’exercice libéral au sein de la société doivent être traitées comme des BNC, sauf lien de subordination (auquel cas elles relèveraient des traitements et salaires classiques).
- ⚖️ L’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées :
- A clarifié le cadre juridique applicable aux SEL
- L’administration a pris appui sur cette évolution du droit des sociétés pour réinterpréter les règles fiscales applicables.
🔹 Conséquences concrètes du changement
Avant (pratique tolérée) |
Après (depuis BOFiP 2023) |
Beaucoup d’associés de SELARL étaient imposés selon l’article 62 du CGI (traitements/salaires) pour toute leur rémunération. |
Séparation stricte : |
Régime plus stable et lisible pour les contribuables. |
Application du régime BNC : obligations comptables |
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🔹 Enjeux du litige porté par le CNB
Le Conseil national des Barreaux a contesté ce changement, notamment parce que :
- il introduit une rupture d’égalité entre professions libérales juridiques et autres,
- il bouleverse des situations fiscales stabilisées,
- il risque de remettre en cause la sécurité juridique des contribuables,
- il ajoute à la loi en imposant, par exemple, un taux forfaitaire de 5 % pour la part « gérance ».
Le Conseil d’État a validé le principe de changement de régime fiscal de l’administration mais a annulé certains excès, comme la règle forfaitaire des 5 %.
🔹 Conclusion
Le changement de régime fiscal des associés de SEL repose sur :
- une lecture stricte des textes existants (notamment articles 62 et 92 du CGI),
- une clarification jurisprudentielle,
- et une volonté de l’administration de mettre fin à des pratiques non conformes au cadre légal.
Il marque un tournant en obligeant les professions juridiques à distinguer clairement rémunération technique (soumise aux BNC) et rémunération de gérance (soumise à l’article 62), avec des conséquences fiscales et comptables importantes.
BREVES
Vente d’une résidence principale partiellement louée à sa propre SARL ou entreprise :
En cas de vente d’une résidence principale dont une partie est louée à la SARL détenue par le propriétaire, seule la fraction correspondant à l’habitation principale peut bénéficier de l’exonération de la plus-value. La partie louée à la société ne relève pas de ce régime favorable. À ce jour, aucun projet de loi n’a été déposé pour modifier ce dispositif. Il convient d’être particulièrement vigilant sur la proportion des surfaces concernées, la réalité de la location et le respect de la valeur locative du marché afin d’éviter tout risque de requalification pour abus de droit.
Rédactrices :
Sandrine Grandidier – Secef
Priscillia Boissins – Rossignol
Aline Pereira – PRA expertise